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« Récit de certains faits », de Yasmina Reza, Flammarion, 240 p., 20 €, numérique 15 €.
Un recueil de cinquante-quatre textes – tous inédits. Courts, nerveux, secs comme un corps d’athlète, limpides comme du cristal. On peut se demander si le projet initial n’était pas de consacrer entièrement cet ouvrage à la chronique judiciaire. Le livre est d’ailleurs dédié à Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde, et à Stéphane Durand-Souffland, qui officie au Figaro. Ces récits abordant tout autant la justice ordinaire traitée en correctionnelle que les crimes jugés aux assises forment un ensemble cohérent. Les autres textes évoquent des événements autobiographiques.
De chaque affaire on pourrait développer un roman. Le procès de Nicolas Sarkozy, métamorphosé, le temps d’un coup de téléphone avec son avocat, en l’improbable Paul Bismuth, devenu depuis aussi célèbre que le loup blanc. Celui de Jean-Marc Morandini à qui on reproche ses échanges – pour le moins malsains – avec des garçons mineurs et qui prononce en guise d’explication et d’excuses ces phrases entendues une infinité de fois dans les salles d’audience : « A aucun moment je n’imaginais cela. Je suis désolé des conséquences. » Ben voyons, et d’ailleurs, on n’imagine même pas que l’océan en furie est liquide avant de se jeter à l’eau. Yasmina Reza assiste aussi au procès de Fabienne Kabou, qui a abandonné sa fille Adélaïde sur la plage de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais) pour qu’elle soit submergée par la marée. Elle traite ces délits et ces crimes sans chercher à les étirer en tous sens pour en tirer des vérités éternelles.
Yasmina Reza évoque également le procès de Jonathann Daval, qui assassina son épouse, Alexia Fouillot, et s’afficha ensuite pendant des semaines dans les médias, éploré, dans les bras des parents de la jeune fille qui le considéraient à présent comme un fils. Quand on le questionne, il prétend que le meurtre est consécutif à une dispute et puis qu’en réalité il n’en sait rien, que désormais tout l’indiffère, qu’il se fout de la sentence dont il écopera. Et le procès pour viol de Tariq Ramadan, renvoyé depuis par la cour d’appel devant la cour criminelle départementale. Sans compter ces audiences en correctionnelle au cours desquelles on juge la « violence conjugale ordinaire ». Toute l’horreur, toute la misère du monde.
Le reste du livre se déroule principalement à Paris et à Venise, où l’autrice possède un appartement. Venise, ses nuages, son soleil, sa mélancolie. Lumière blanche du zénith, orangée du crépuscule, lumière noire de la nuit – si tant est que pareil oxymore puisse un jour exister. Reza nous livre de rares fragments de son quotidien. Non pas des tranches, mais de petits éclats de vie. L’autrice n’aime pas se confier, répugne même à donner des interviews. Des personnages proches, soupçonnés dans le lointain et puis tous ces gens qu’on ne voit qu’une ou deux fois dans sa vie. Certains, avec qui on a échangé quelques mots, d’autres avec qui on a entamé une conversation d’autant plus personnelle qu’on ne les reverra jamais plus, et ces atomes de foule qu’on a croisés en silence en les prenant un instant pour d’autres, perdus de vue depuis longtemps.
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